Une accusation calomnieuse
Il y a de cela 1 an, j’ai fait un premier séjour dans un ashram en France dont je protège l’identité. Lors d’un moment informel, une femme de mon âge m’a abordé et nous avons échangé sur divers sujets. Notamment, elle m’a fait part du fait qu’elle vivait seule, avec peu de ressources financières et qu’elle ne pouvait pas se procurer les ouvrages d’un certain auteur. Disposant moi-même de peu de ressources financières, je lui ai expliqué ma technique pour obtenir livres, séries et films gratuitement (via un logiciel de torrent). Elle m’a dit qu’elle était intéressée pour que je lui apprenne ma technique et quelques heures après notre échange verbale, elle m’a communiqué son adresse email pour qu’à mon retour à mon domicile, je lui explique la procédure par email. Il ne faisait guère de doute ni pour l’un ni pour l’autre que l’enjeux n’était pas une histoire de téléchargement de bouquins mais le début potentiel d’une idylle amoureuse. Le ton, les regards, les âges similaires, le fait que nous ayons mentionné chacun dans la conversation que nous étions célibataires, l’échange des emails : deux tourtereaux qui se tournaient autour sans l’ombre d’un doute ni pour l’un ni pour l’autre.
Mais je savais également que le pouvoir en place m’interdisait les relations affectives et sexuelles et j’étais donc étonné du comportement de cette jeune femme à mon égard : elle semblait ne pas encore savoir qu’elle n’avait pas le droit de me fréquenter.
De retour à mon domicile, je lui ai écrit un long email technique pour lui expliquer comment télécharger n’importe quel contenu. Pas très glamour, je veux bien le reconnaitre et un peu « geek/nerd » sur les bords. Mais bon, c’était sa demande. A la fin du mail, j’ai également indiqué de manière plus explicite l’enjeu réel de cette affaire en évoquant clairement l’hypothèse d’une aventure amoureuse avec elle si elle le souhaitait (bien que nous vivions à 1000 km l’un de l’autre). Elle ne m’a répondu qu’une semaine plus tard : un message très bref qui disait en gros qu’elle reviendrait vers moi mais qu’elle avait besoin de se poser un peu. Je comprenais évidemment que l’information d’interdiction de me fréquenter avait fini par arriver à ses oreilles et de toute façon, je ne me faisais guère d’illusion sur la question.
Puis le 26 décembre 2023, je me suis offert quelques bouquins de l’auteur en question en version papier (ils n’existaient pas en version numérique). Quelques dizaines de minute après ma commande amazon, j’ai reçu un message de la part de cette jeune femme, essentiellement vide de contenu mais me relançant néanmoins. Je savais qu’il y avait un lien entre ces deux événements apparemment fortuits car c’est une technique classique des services secrets : la coïncidence est plausible et donc le message envoyé est déniable. Ce dernier pouvait être « ce n’est pas bien de télécharger illégalement mais comme tu fais l’effort d’acheter ces livres, je reviens vers toi ». En réalité, le message était plutôt : « tu vois, on la contrôle elle aussi, on les contrôle toutes et tu ne pourras jamais avoir la moindre relation sentimentale sans notre accord ou notre volonté ».
Je ne répondais pas, ne voyant que trop que je ne discutais pas avec « elle » mais avec le surhomme, le léviathan qui me persécute depuis 10 ans. Néanmoins, quelques mois plus tard je décidais de retourner à cet ashram. Je lui écrivais un message bref, poli et cordiale lui signalant que je me rendrais à l’ashram à telle date et que à défaut de pouvoir parler, on pourrait peut-être faire l’amour. Un truc dans le genre. Je ne sais pas pourquoi j’ai écrit cela, je devais avoir « la dalle » comme on dit. Le « à défaut de pouvoir parler » faisait référence à la fois au fait qu’il s’agit d’un ashram où l’on garde essentiellement le silence. Mais il s’agissait également d’un message signalant que je n’étais pas dupe de son comportement d’agent et que je ne m’attendais pas à ce qu’elle « parle ».
Je n’ai pas eu de réponse de sa part dans les mois qui ont suivi. Néanmoins, une semaine avant mon départ, je reçois un coup de téléphone d’un des lieutenants de l’ashram. Je pensais qu’il s’agissait simplement de confirmer ma présence la semaine d’après mais ce n’était pas le motif de son appel. Une femme avait écrit à l’un des grands responsables de l’ashram pour se plaindre de mon comportement. Je savais instantanément que c’était un « faux » grossier monté de toute pièce pour m’emmerder et cela ne me perturba pas plus que cela. Je défendais mon cas au mieux par téléphone sans annuler mon séjour. Il va de soi que 10 ans plus tôt, une telle accusation calomnieuse aurait engendré en moi beaucoup plus de colère et probablement une réaction beaucoup plus forte incluant l’annulation du séjour.
Durant la semaine, il y avait « un travail en petit groupe » : chacun pouvait exposer ses difficultés à tour de rôle en cercle restreint. Il y avait 3 autres femmes ainsi que l’enseignante. Soit 4 femmes et moi. A la fin, quand vint mon tour, je me suis jeté à l’eau et j’ai déballé mon sac. En substance, cela a dû donner un truc du genre : « une femme s’est plainte de mon comportement, ce n’est qu’une agent, vous êtes tous des agents et je vis des persécutions monstrueuses depuis 10 ans ». Bref, j’ai sorti mon couplet habituel comme je suis habitué à le faire quand j’en ressens le besoin. Bizarrement – mais c’est la plupart du temps comme cela – ces femmes semblaient réellement découvrir ma situation sans avoir la moindre idée d’une potentielle trame sous-jacente : l’une d’elle m’a conseillé d’aller voir un exorciste. Et quand elle a fait cette remarque, je n’ai vraiment pas eu le sentiment d’avoir affaire à une agent qui se foutait de ma gueule. Rien sur leurs visages n’indiquaient qu’elles étaient dans la confidence, partie prenante du complot contre moi. Elles semblaient sincèrement désolées pour moi. C’est une des raisons qui fait que je reste toujours incertain quant à la nature réelle des persécutions dont je suis victime : politique ou métaphysique ou les deux.
Durant mon séjour, j’étais affecté au service de l’ashram (SEVA) de la plonge : je devais faire la vaisselle matin, midi et soir. La ligne de plonge dans cet ashram est « comme j’aime » c’est à dire carrée avec des protocoles robustes qui rendent la tâche facile pour celui qui la fait. Mais durant toute la semaine, mes persécuteurs se sont amusés à m’envoyer tous un tas de pics secrets pour me faire identifier mes manquements : les petites erreurs qui font que je ne fais pas la plonge parfaitement réglementairement. Il faut savoir que cet ashram met énormément l’accent sur la notion de vigilance dans l’instant. On doit être vigilant à ce que l’on dit, à ce que l’on fait y compris dans les plus petits détails : par exemple la manière de faire la plonge. Si je suis parfaitement en accord avec cet accent mis sur la vigilance, cette dernière n’a de sens que vis-à-vis de soi-même. Imaginer acceptable que les autres, dans l’obscurité et donc de manière déniable, puissent s’amuser à me faire remarquer mon manque de vigilance sur ceci ou sur cela est complétement différent. Dans un cas, c’est l’ashram que j’aime. Dans l’autre cas, c’est une secte que le Napoléon en moi dissout instantanément. Au milieu de mon séjour, le manque de sommeil aidant, je commençais à ne plus y voir suffisamment clair : à distinguer ce qui relève du traitement méchant qu’on me réserve partout ailleurs (et qui met hors de cause l’ashram en tant que tel), de pratiques discrètes incitant/forçant les pensionnaires à la vigilance car sous le regard de tous. Heureusement, j’ai toujours considéré la première hypothèse comme étant la vraie. Pour me répéter, si le traitement qui m’a été infligé pendant une semaine avait été infligé à un autre que moi -- quelqu’un qui n’est pas un politique --, la dissolution d’une telle secte serait évidemment ma seule ligne directrice.
Vers la fin de mon séjour, j’ai souvenir d’autres bizarreries qui m’ont blessé (par manque de sommeil) : mes deux compagnons de chambré avec qui j’avais discuté toute la semaine ne se rappelaient ni l’un ni l’autre de mon prénom. C’est tout de même étonnant quand on sait que les gens viennent faire un séjour dans cet ashram pour travailler sur la vigilance…
Enfin, j’ai eu le sentiment d’avoir eu droit à des sortes d’excuses en langage équivoque. Un message déniable m’a été envoyé de la part de la « jeune » femme avec qui j’avais eu un début d’idylle : par l’intermédiaire d’une autre personne, elle me disait en substance qu’elle n’aurait pas été contre mais qu’elle se trouvait trop vieille pour moi. Le responsable de l’ashram a fait passer une vidéo humoristique présentant l’ashram comme une sorte de mafia et confessant à demi-mot de manière équivoque que ce que j’avais enduré leur était imposé et reflétait évidemment exactement le contraire des valeurs qu’ils défendaient. Enfin, une autre responsable de l’ashram a organisé une mise en scène durant un repas de manière à pouvoir me dire « pardon » de manière également déniable.
Je n’ai aucune rancœur vis-à-vis de cet ashram. Néanmoins, toutes ces choses m’ont quelque peu blessé et affaibli et il convenait que je les retranscrive telles que je les ai vécues.
Viafx24, le 8 octobre 2024.